Gare aux Gorilles fait un tabac
Affluence des grands soirs, vendredi dernier à la Maison des Trois-Quartiers pour un remake d'un choix de chansons de Brassens, par un groupe réunis autour de Fabrice Barré, à l'initiative de la directrice de la salle. À l'heure du spectacle, il n'y aura pas de place pour tout le monde… comme au bon vieux temps de Bobino, où il fallait faire la queue pendant des heures pour réserver des places. Ici l'attente ne dure qu'une demi-heure, le temps que l'on installe des chaises supplémentaires… Les mânes de Brassens en tremblent de malice. Vont-ils frémir à l'écoute des airs modifiés ? Les inconditionnels y retrouveront-ils leurs petits ? Dans le couloir d'entrée, Pascal Péroteau, l'invité surprise, s'accompagne à la contrebasse et interprète un Pauvre Martin jazzyfié, iconoclaste mais sobre et émouvant. Le ton est donné, que l'on retrouve sur la scène avec un éventail d'instruments modernes qui, non seulement redonnent vie aux chansons, mais les rendent actuelles. On est surpris, interloqué, bluffé, ravi. Julien Dexant, grand échalas à la voix haut perché, stupéfie par son talent à monter dans les aigus sans perdre la note. Son interprétation du Petit cheval à un rythme frénétique lui vaut un rappel du public en fin de soirée pour prolonger le bonheur. Dan Panama et sa guitare électrique, ébouriffé, virevoltant et explosif, est le plus proche de la musique originale, tout en offrant une autre couleur avec sa belle voix bien timbrée et nuancée. Les textes choisis des années de galère du poète sont lus avec beaucoup d'émotion et de justesse par Karen Fichelson, qui chante également en duo avec F. Barré. Dans certaines chansons, les couplets sont interprétés par différents chanteurs. Cette variété des instruments et des voix donne une dimension orchestrale au spectacle qui est comme démultiplié et transfiguré par rapport à sa sobriété originelle. Grâce à ces métamorphoses, l'œuvre du poète acquiert de nouvelles lettres de noblesse et semble encore plus inaltérable au temps : elle apparaît comme du classique qui gagne à être revisité et qui résiste victorieusement à toutes les transgressions. Merci aux artistes d'avoir réussi cette gageure."
La Nouvelle République,
Alain Le Petit
7 avril 2012