KAREN FICHELSON retour
Théâtre, musique, performances
EINHORN, groupe de musique fondé avec Julien Piccinini
langue allemande, post rock, machines et poèsie sonore
à écouter ici
EINHORN crée une musique post-rock influencée par Dada, les Beatles, Gherasim Lucas, Wim Wenders et Joël Robuchon.
Le duo est né il y a 2 ans dans la cave de la Générale, lieu artistique installé dans une ancienne centrale d’électricité à Paris, de la rencontre entre Julien Piccinini, compositeur et chanteur, et Karen Fichelson, comédienne et metteure en scène. Leurs influences s’influencent : le rock des années 60 se mêle à la poésie sonore germanique, la guitare électrique
s’immisce dans une langue psalmodiée, parlée-chantée, augmentée de collages sonores où Kurt Schwitters et John Lennon dialoguent. Théâtralité et culture rock viennent ici s’entrechoquer pour inventer un objet scénique entre concert et représentation.
L’allemand est le point de départ du travail textuel. « L’allemand est une langue familière que je parle mal mais qui a influencé profondément mon rapport au langage de par sa structure grammaticale, (le verbe en fin de phrase dans les relatives, les mots-valise qui permettent de créer à loisir des concepts, la formation du passé avec le préfixe ge-…) tout cela est venu nourrir mon imaginaire linguistique. Mon travail de création entretien un rapport charnel à la langue; le langage est pour moi par essence déceptif; il ne parvient pas à dire : les sensations, les émotions, les pensées, il ne parvient pas à reproduire le flot intérieur, le mouvement de l’âme. Il ne parvient pas à dire le monde, à rendre sa complexité, sa violence. De là, j’ai trouvé chez les Dada et en particulier chez Kurt Schwitters un grand-père rassurant. L’Ursonate a ouvert la voie, la voix : s’attacher au signe, s’attacher au son, revenir à une langue primitive, originelle, psalmodiante, permettant d’autres possibles sonores et sensibles » explique Karen Fichelson.
Le travail avec une langue étrangère permet également cela: entretenir un lien trouble entre sens et sensible, on ne la comprend pas tout à fait et c’est dans ce « pas tout à fait » que
se glisse l’imaginaire et l’émotion. SABI est le fruit de cette recherche, puisant tantôt dans les poésies Dada (Emmy Hennings), tantôt chez ses héritiers, le poète sonore, Ernst Jandl, tantôt vers une écriture singulière, en allemand, en français, en anglais ou en toutes ces langues à la fois, mélange libre et détaché de toute convention formelle.
Le travail de composition procède également par collage : les sons primitifs de la guitare électrique se mêlent à un travail mélodique, augmenté d’extraits sonores et visuels ( Kurt
Schwitters, John Lennon, Tristan Tzara, Mozart,…); cela crée un équilibre complexe entre composition et évocation. L'esprit du Velvet underground s’immisce. L'électro-accoustique,
saturée de fuzz-radio, donne des accents de « Lady Godiva ». La musique temporelle et évolutive emballe l’imaginaire -une nostalgie inconnue- un désespoir heureux et arrogant des
riffs de blues-guitar.
La direction scénique s’inscrit dans cette réflexion: ni tout à fait un concert, ni tout à fait un récital, ni tout à fait un spectacle théâtral et tout à fait tout cela à la fois. La lumière est précise, crée des trous lumineux, fait apparaitre des morceaux de corps, dessine des silhouettes. Une boule à facettes rappelle le faste d’antan, d’un passé à paillettes dépassé, jamais vécu. EINHORN crée une sorte d’uchronie scénique, une scène underground des années 2020 si le mur de Berlin n’était pas tombé…